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  • Photo du rédacteurAlexandra Polaczyk

Hypersensibilité : comment en parler à son entourage ?

De nombreuses âmes hautement sensibles se sentent incomprises et se heurtent à la méconnaissance de leurs proches au sujet de leur hypersensibilité. Cela peut générer en elles de la frustration, de la tristesse, de la colère ou encore du stress, et ternir les liens qui les unissent aux autres. Il est heureusement possible de vivre des relations harmonieuses avec des personnes à la sensibilité moins élevée. Voici quelques conseils pour aborder le sujet sous le meilleur angle possible...



Quand deux mondes se rencontrent


Tous les êtes humains (et les êtres vivants) sont sensibles, à différents degrés : le spectre de la sensibilité s'étend en effet de la basse sensibilité à l'hypersensibilité (je lui préfère le terme plus juste de 'haute sensibilité'). La sensibilité est plurielle, elle ne se résume pas à un seul de ses aspects : elle peut en effet être émotionnelle, sensorielle, esthétique... Les chercheurs qui s'intéressent au sujet s'accordent à dire aujourd'hui que la haute sensibilité se compose de ces différentes formes accrues. 20 à 30% de la population sont concernées (autant d'hommes que de femmes, contrairement aux idées reçues) et voient donc leur tempérament cohabiter avec 70 à 80% d'humains à la sensibilité moyenne et à un rapport au monde quelque peu différent. "Différent" ne sous-entend pas "mieux", "moins bien", "normal" ou "anormal". Chacun de ces fonctionnements est naturel et respectable. C'est sans doute sur ce point qu'il reste beaucoup de chemin à faire à la société, tant elle continue à perpétrer des clichés, des images négatives et fausses croyances sur la sensibilité (assimilée à une féminité, un défaut, de la faiblesse, voire pire, une pathologie). Avec des conséquences préjudiciables sur le bien-être et l'estime de soi des personnes hautement sensibles.

Si la thématique de la haute sensibilité est aujourd'hui 'tendance', elle peut rester opaque pour une majorité de personnes à la sensibilité moyenne ou basse. Il n'est en effet pas toujours aisé de se représenter des perceptions, des ressentis, des sensations, des émotions que l'on n'éprouve pas, étant dépourvu d'un traitement en profondeur des informations et d'un réseau neuronal hyperactif typiques des âmes hautement sensibles. On ne nous a pas toujours appris, enfants, que nous sommes tous différents, uniques, que nous n’avons pas tous le même mode d'emploi, la même sensibilité, et que cela est ok. Si les personnes non hypersensibles se réfèrent à leur propre fonctionnement comme critère de normalité, avec pour appui des fonctionnements similaires autour d'elles, et si les personnes hautement sensibles sont un peu perdues, ne savent pas quoi penser ni comment vivre avec leur atypie et espèrent être comprises sans exprimer leurs besoins, cela risque de conduire à de potentielles situations d'incompréhension.


Connaître et comprendre son hypersensibilité


Avant d'évoquer son hypersensibilité avec son entourage, il est important de faire le point sur les connaissances que l'on en a, le regard que l'on pose sur elle, la façon dont on l'accueille, dont on la vit. Mieux nous nous connaissons et nous nous comprenons, plus justement nous en parlerons. Une personne qui perçoit sa sensibilité comme un fardeau, qui la cantonne aux larmes, aux émotions et l'assimile à une faiblesse se trouvera davantage en difficulté à communiquer avec pertinence sur cette partie d'elle qu’une personne qui la respecte, l'accepte et l’assume (au point de l'aimer, de la cultiver ? Oui cela est heureusement possible ! Selon une enquête réalisée en 2019 par l'Observatoire de la sensibilité, 50% des personnes à la sensibilité élevée la vivent bien.) Notre propre posture et notre rapport à notre sensibilité sont donc déterminants : ils influent inconsciemment sur la posture que les autres adoptent avec nous. De ce fait, la reconnexion à soi est un voyage intérieur indispensable : mieux se comprendre permet de mieux se faire comprendre. Alors comment s'y prendre ? Il s'agit ici d'une vraie démarche, d'un cheminement, d'un engagement envers soi, que ce soit via des lectures ou podcasts d'experts, l'accompagnement d'un(e) professionnel(le) spécialisé(e) (coach, psy, sophrologue etc ), l'échange avec d'autres personnes hypersensibles ...


Loin des préjugés, la réalité de l'hypersensibilité


Le saviez vous ? La haute sensibilité est avant tout un fonctionnement cérébral particulier : le cerveau est hyper réactif, il réagit plus vite et plus intensément dans les zones sensorielles et émotionnelles. Il capte donc plus d'informations, de stimuli, même subtils. Ce qui permet de décoder plus facilement le langage non verbal (un changement d'humeur, une mimique, une posture...), de déployer une belle intuition (encore faut-il être à son écoute), d'être doté(e) de sens plus accrus et d'un sens de l'observation particulièrement développé . Cette hyper réactivité expose à un risque de saturation plus rapide, liée au grand nombre d'informations reçues et traitées en profondeur. Ce qui génère des émotions exacerbées, intenses, et des sens qui saturent (forte réactivité aux lumières, au bruit, même faible, aux odeurs ou encore aux matières - l'horreur de certaines laines qui grattent -, ce que l'on appelle l'hyperesthésie). Aussi, une grande fatigabilité peut découler d'une suractivité du système nerveux face à la multiplication des sollicitations et à l'agitation alentour (comme dans un open space, dans une soirée avec du monde, dans un centre commercial...). D'où l'importance de pauses ou activités ressourçantes régulières. Par ailleurs, les neurones miroirs et l'amygdale, particulièrement actifs, favorisent une grande empathie, qui permet de ressentir, identifier, comprendre naturellement les émotions, sentiments et besoins des autres. Cela remet en perspective la vision impropre que l'on peut avoir des personnes hautement sensibles : non elles ne sont pas faibles : elles captent bien plus d'infos que les autres. Non elles n'en font pas trop, elles ressentent tout plus intensément.



Comprendre et accepter le fonctionnement des autres


Par définition, les personnes à la sensibilité moyenne perçoivent et ressentent les sensations et émotions avec moins d'intensité que les personnes hypersensibles. Elles sont éraflées là ou les âmes hautement sensibles sont déchirées, pour reprendre Flaubert. Elles ont des filtres plus puissants qui trient, priorisent les informations et écartent les détails. Émotionnellement, cela vaut pour les moments désagréables comme les moments enchanteurs. Elles sont bien évidemment atteintes par la colère, la tristesse, la peine, la peur, mais moins longtemps et puissamment qu'une personne à la sensibilité élevée. Elles apprécient et profitent des évènements positifs, beaux et joyeux de l'existence mais ne savourent pas un coucher de soleil, un plat ou une conversation profonde et enrichissante au point d'en avoir systématiquement les larmes aux yeux ou de s'extasier pendant des heures. Elles détectent et comprennent moins instantanément la communication implicite et les émotions qui traversent les autres, il est donc possible qu'elles ne perçoivent pas tout de suite un changement d'humeur, qu'elles passent sans le vouloir à côté d'un besoin de réconfort, de consolation ou d'écoute s'il n'est pas exprimé clairement. Il est important de garder cela en tête car si on se base sur notre propre fonctionnement, on peut vite penser qu'elles sont indifférentes à ce qui nous traverse (et là, c'est le double effet kiss cool. Vous voyez ce que je veux dire ?... ). Comprendre leur fonctionnement et les accepter avec leurs limites aide à faire baisser le curseur de nos attentes, qui sont parfois très grandes. Sensoriellement, elles supportent plus facilement l'effervescence, les lumières, odeurs, bruits forts. Elles mettent plus de temps à saturer face aux stimuli extérieurs car elles en captent moins, et moins fort. Vous voir vous boucher les oreilles ou le nez, plisser des yeux, avoir une grosse baisse d'énergie alors que tout va bien pour elles les laisse peut-être perplexes car elles ne savent pas ce que vous vivez et ressentez, elles ne mesurent pas vos besoins. Il est temps de leur expliquer, non ? :)



Conseils pour bien communiquer avec ses proches sur son hypersensibilité


  1. Préparez-vous à l'avance : prenez le temps de réfléchir à ce que vous voulez dire et à la manière dont vous souhaitez le dire. N'hésitez pas à noter ce que vous souhaitez exprimer si vous êtes à l'aise à l'écrit, afin d'avoir une ligne directrice pour ne rien oublier de ce qui est important pour vous. Vous pouvez également préparer des exemples qui illustrent comment votre hypersensibilité se manifeste dans votre quotidien, des situations où vous avez ressenti des émotions intenses, où vous avez été submergé (e) par vos sensations.

  2. Demandez de l'aide si vous en éprouvez le besoin : vous pouvez ressentir du stress ou de l'anxiété à l'idée de parler de votre hypersensibilité, et cela est bien compréhensible. Appuyez-vous sur une personne ressource, un ami, un membre de la famille qui vous soutient, pour faciliter ce moment, ou à un professionnel qui pourra vous accompagner au mieux dans votre démarche.

  3. Choisissez le moment et le lieu qui vous conviennent : il est important de vous sentir le plus détendu(e) possible, pour faciliter ce partage. Il peut être plus facile de parler de votre hypersensibilité lors d'une conversation en tête à tête, dans un lieu calme et privé.

  4. Expliquez ce qu'est l'hypersensibilité : beaucoup de gens ne sont pas familiarisés avec le concept d'hypersensibilité, alors commencez par expliquer de quoi il s'agit. Transmettez à vos proches les connaissances que vous avez acquises sur le sujet. Expliquez que les personnes hautement sensibles ressentent les sensations et émotions plus intensément que la moyenne, que le cerveau traite en profondeur toutes les informations qu'il reçoit, sans filtre, sans hiérarchie ou priorisation, contrairement aux personnes à la sensibIlité moins élevée. Que le système nerveux est de ce fait sur-sollicité. Expliquez que les âmes très sensibles captent les émotions et énergies des personnes qui les entourent. Que tout cela mène à une saturation rapide, un débordement, un épuisement. Qu'elles ont donc besoin de calme et ou de solitude pour les aider à se ressourcer, que ce n'est pas un choix mais un besoin. Partagez également avec vos proches toute la beauté de la haute sensibilité : la capacité d'émerveillement, l'empathie, le sens de l'écoute, l'intuition, la grande capacité d'analyse etc. Si besoin, montrez-leur des ouvrages, articles, posts, vidéos. Cela les aidera à mieux comprendre votre fonctionnement.

  5. Parlez de vous, partagez vos expériences : expliquez avec clarté ce que vous vivez, ce que vous voyez, ce que vous percevez (la Communication Non-Violente - CNV - peut être une bonne aide pour exprimer avec clarté, à la première personne du singulier, ce qui se passe en vous, sans jugement ni exigence). Par exemple : "Je fais de mon mieux pour vivre mes émotions intenses de manière saine. Cela ne signifie pas que je suis faible ou vulnérable, mais plutôt que j'ai une profonde capacité d'empathie et que je suis conscient(e) de mes émotions et de celles des autres." "Je comprends que ça puisse te paraître vain de pleurer, mais tout est si intense que les larmes me permettent de faire sortir mes émotions et de me sentir mieux." Ou encore "Je ne prends pas les choses à coeur de manière négative, mais plutôt de manière significative. Je suis également passionné(e) et investi(e) dans ce qui compte pour moi." Et aussi : "Je comprends que ma sensibilité puisse être difficile à comprendre pour certaines personnes, mais elle fait partie de qui je suis. J'ai besoin qu'elle soit respectée".

  6. Soyez patient (e) et compréhensif (ve) : nos proches peuvent, malgré leur bonne volonté, se sentir parfois dépassés. Ils peuvent avoir besoin de temps pour assimiler de nouvelles informations. Interrogé par Femina, l'imminent neuropsychiatre Boris Cyrulnik les invite à "se montrer bienveillants, sourire peut­-être, mais sans moquerie, et quand ça tourne mal, attendre simple­ment le temps nécessaire que cela passe." (L'idée n'est pas que les proches subissent des comportements inacceptables tels que le chantage affectif, des manipulations, de l'agressivité, de la violence sous prétexte d'hypersensibilité. Cela ne relève pas de l'hypersensibilité mais de problématiques à travailler en psychothérapie). Sur le papier c'est bien sûr l'idéal. Mais la réalité peut être plus complexe. Essayez de répondre à leurs potentielles questions le plus simplement possible. Invitez-les à observer le monde avec votre angle de vue, et acceptez d'observer le monde avec leur angle de vue à eux. Ces différences peuvent être d'une très grande richesse réciproque.


Que faire si un proche juge ou rejette mon hypersensibilité ?


Vous avez parlé de votre sensibilité à coeur ouvert à un membre de votre famille ou un ami, vous lui avez fait part de vos connaissances sur le sujet, vous avez exprimé vos besoins mais mais il/elle a balayé ce que vous avez partagé avec lui/elle d'un revers de main ? Il/elle minimise vos ressentis ? A vous de poser vos limites : le respect de vos émotions n'est pas négociable. Un entourage bienveillant et positif est essentiel à l'épanouissement de tout un chacun. Affection, communication, ouverture d’esprit et de coeur, écoute, respect de part et d’autre sont les ingrédients indispensables à des relations équilibrées et saines. S’ils ne sont pas au rendez-vous, que cela génère du chagrin, les liens sont à réinterroger, pour comprendre ensemble ce qui se joue ici. A vous de décider si vous acceptez ou pas les conclusions qui en découlent. Vous avez le pouvoir et le droit de mettre une certaine distance voire un terme à une relation qui vous fait du mal. Vous avez le droit de vous protéger et de privilégier des personnes qui vous acceptent, vous font du bien, vous tirent vers le haut, vous soutiennent, vous respectent, vous aiment tel(le) que vous êtes.


Faut-il parler de son hypersensibilité à tout le monde ?


Il n'est pas nécessaire de parler de votre hypersensibilité à toute les personnes de votre entourage. En fait, cela dépend de votre confort personnel et de la nature de votre relation avec les personnes concernées. Il peut être utile d'évoquer votre hypersensibilité à votre conjoint, vos amis proches ou votre famille, afin qu'ils puissent mieux comprendre vos besoins et savoir comment réagir au mieux et vous soutenir. Cela peut par ailleurs aider à renforcer vos liens. En revanche, il n'est pas nécessaire de partager cette information avec tout le monde, surtout si vous ne vous sentez pas à l'aise ou si vous pensez que l'on pourrait vous nuire de quelque manière que ce soit, notamment dans votre vie professionnelle. Vous avez le droit de protéger votre vie privée. Vous n'avez pas à tout partager avec les autres ni à vous justifier. Faites ce qui vous convient le mieux, écoutez-vous, c'est précieux...

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